09 - Les fêtes de Lumières
Accrochons-nous… Le phénomène du solstice d’hiver, une parenthèse sacrée, approche et notre hémisphère nord bascule par rapport au soleil! La majeur partie des oiseaux migrateurs ont déjà pris leur envol vers des cieux plus cléments… selon la devise «sauve qui peut»…
Le mot latin solstitium signifie : le soleil (sol) s’arrête (stare) dans son avancée céleste, ayant atteint sa plus forte déclinaison boréale. Par la suite, c’est un nouveau départ sans retrospection [cf. Pascal Quignard, Dernier Royaume, 2002 Gallimard]. Le solstice d’hiver, le 22 décembre 2019 et sa nuit la plus longue, est à notre porte!
Les métropoles de par le monde se parent de leurs plus beaux atours. Maisons, rues et façades brillent de mille feux. Leurs décorations festives illuminent notre quotidien à l’approche des fêtes de fin d’année, pour ainsi dire compenser notre manque de lumière naturelle, pouvant affecter notre bien-être voire nous déprimer… manque de vitamine D entre autres (lol)!
Du fait de l’astre lunaire en détumescence durant cette période, toutes plantations ou fécondations sont à éviter… le printemps et la nouvelle fécondité se font attendre. La nature reste quasi immobile, et le désir renaît du fait des astres qui brillent par leur absence… le printemps apportera enfin le salut et l’hiver ne restera plus qu’un souvenir. Je dirais comparable à l’effet de l’aurore… moment que se partagent la nuit et le jour!
Dans la Rome Antique, le solstice d’hiver donnait lieu aux célébrations du dieu Saturne, dieu des semailles et de l’agriculture, les nommées Saturnales où l’Âge d’Or revivait… temps mythique où tous les hommes vivaient égaux dans l’abondance! Les Saturnales, sorte de carnaval, se fêtaient avec grand enthousiasme et sans retenue lors de grands banquets domestiques où les esclaves mangeaient à la table de leur maître, profitant des «libertés de décembre» comme l’écrivait le poète Horace.
Les Saturnales commençaient le 17 décembre et pouvaient durer sept jours jusqu’au 24 décembre, incluant ainsi le jour de solstitium. Dans une ambiance de paix, de partage et de fraternité, c’est une période de trêve marquée par un temps d’arrêt dans les affaires tant publiques que privées où devaient cesser tout procès et même toute dispute individuelle [cf. Macrobe, Les Saturnales, trad. Charles Guittard, Paris, Les Belles Lettres].
Les hiérarchies sociales et les conventions sont bouleversées. Les rôles entre maîtres et esclaves inversés. Le peuple paré de guirlandes et masques d’animaux, les rues et maisons décorées, les banquets organisés pour le plaisir de tout un chacun… Les cadeaux, souvent sous forme de figurines, et confiseries offerts en particulier aux enfants [cf. Ovide, Fastes, Livre 1, v. 185 sq.]. La fête semblait se trouver sous l’astre de la société idéale prônée par Plutarque, et déjà mentionnée par Homère dans l’Odyssée…
Le solstice d’hiver est considéré comme l’époque du renouvellement de l’année! Du fait de sa nature astrale marquant le début de la saison hivernale, ce phénomène est une source d’inspirations spirituelles. Les saisons sont rythmées par des changements astronomiques et leur perpétuelle évolution est une source d’énergie influente, voire régénératrice.
Le temple de Saturne, Templum Saturni, construit en 498 av.J.-C. au Forum Romanum, est un des plus anciens temples romains… Dans le vestibule d’entrée, ses colonnes de 11 mètres de haut, surmontées de chapiteaux ioniques en marbre, datent de la dernière restauration de Dioclétien en 283 de notre ère.
«Chez les poètes, Saturne est assimilé à un des anciens rois du Latium dont le règne représente la période de l’Âge d’Or. Il finit par donner son nom à l’Italie, dite terre de Saturne» [cf. Jean-Paul Brisson, Saturne, religion romaine, Encyclopædia Universalis]. La célébration du jour de naissance du Soleil Invaincu (dies natalis Solis invicti) le 25 décembre suit directement la fête en honneur de Saturne.
Le culte du soleil, du Dieu Sol Invictus… assimilé au Mithraïsme d’origine perse… se rapporte au calendrier Julien qui fixait le solstitium par erreur de calcul (!) au 25 décembre. Le dieu sera encore vénéré par l’Empereur Constantin décrétant le jour de «die Solis» jour de repos. Les pièces de monnaie à l’effigie d’Aurélien et de Sol invictus ont été imprimées jusque vers l’an 325 apr.J.-C…
C’est en 354 que le Pape Liberus désigne le 25 décembre, date de fête païenne du soleil, arbitrairement (?) comme celle de la naissance du Christ et de la célébration du «Natalis Invicti», in fine confirmée par l’édit de Thessalonique (380). Les Évangiles ne mentionnent pas la date de naissance de Jésus, et celle retenue par ce brave Liberus ne fait pas l’unanimité.
«Les Chrétiens de rite latin, maronite, orthodoxe arménien ou chaldéen, célèbrent tous la fête le 25 décembre, ceux de rite arménien le 6 janvier. Pour l’église copte d’Egypte (Orthodoxes et Catholiques), la fête est célébrée le 7 janvier. En effet, l’Eglise copte suit le calendrier julien et non le calendrier grégorien. Noël se situe donc 9 mois après l’Annonciation, soit le 25 décembre (grégorien), 6 ou 7 janvier (julien), date de l’Epiphanie et jour férié en Égypte»! [cf. Société des Missions Africaines].
Au bout du compte, fêtons le 25 sous l’aspect de Saturne, Mithra -dieu de la lumière-, Sol Invictus ou du Christ (mais aussi le 7 janvier)… toutes et tous uni(e)s dans la joie et l’Humanitas!
Finalement, est-il possible de fixer la date de naissance de Jésus dans le spectacle astronomique de la grande étoile de Bethléem, comme mentionné dans l’histoire de Noël? Des études cherchent à relier la position des étoiles à l’époque de la Nativité utilisant des pratiques de l’astrologie perse ancienne.
Dans les Évangiles, l’étoile de Bethléem annonce aux Rois Mages d’Inde, d’Arabie et de Perse, la naissance du Christ. Cet astre les guide ensuite vers Bethléem où ils déposent leurs offrandes au pied de Jésus, le roi des Juifs nouveau-né. L’or (pouvoir terrestre, royauté), l’encens (rituel religieux, et donc sacralité, divinité de l’enfant), et enfin myrrhe (passion, résurrection du Christ).
Les scientifiques ont d’abord pensé à une Nova ou Supernova, ces étoiles qui explosent en produisant une forte lumière parfois pendant plusieurs mois. Mais durant le règne d’Hérodote à l’époque en question, aucune Nova n’a été déclarée!
L’iconographie traditionnelle représente souvent l’étoile de Noël comme une comète. Les étoiles-comètes sont formées de blocs de glace et de poussière suivies d’une traînée lumineuse, ayant une trajectoire elliptique autour du soleil et se rapprochant périodiquement de la terre. «Newton démontra le premier que les comètes étaient de vraies planètes…! et Halley est le premier qui ait prédit le retour de quelques-unes!» [cf. Éphémérides politiques, littéraires et religieuses présentant, pour chacun des jours de l’année un tableau des événements, etc., édition 1812].
Une des fameuses fresques de Ambrogiotto di Bondone, dit Giotto, dans la Chapelle Scrovegni à Padoue «L’Adoration des Mages» (Adorazione dei Magi), 1303, représente la Nativité (naissance de Jésus) avec la comète Halley filant au-dessus de la bergerie. Couleur et lumière, poésie et passion. Homme et dieu. Le sens de la nature et de l’histoire, de l’Humanité et de la foi sont mélangés dans la narration des histoires de la Vierge Marie et du Christ d’une manière unique. La Nativité dans toute sa splendeur! Giotto fut acclamé de son vivant comme un génie des arts visuels empreint d’un raffinement intellectuel associé à sa peinture.
A propos de cette étoile embrasée, comète à la queue flamboyante, clignotant à travers les cieux au-dessus du tableau, il est souvent mentionné que Giotto aurait représenté en lieu et place de l’étoile de Bethléem, la comète Halley dont il a pu voir le passage en 1301. Mais la date ne correspond pas au fait, la comète Halley étant passée 66 ans avant la naissance supposée du Christ, soit bien trop tôt!
La seule explication plausible selon les astronomes et correspondant aux dates serait une conjonction entre Jupiter et Saturne. Les deux planètes se sont fortement rapprochées à trois reprises en l’an 7 avant notre ère… en juin, septembre et décembre. Un événement spectaculaire qui n’a pas pu passer inaperçu. «Les Rois Mages auraient en effet pu se mettre en marche au moment de la première conjonction, s’arrêter à Jérusalem dans un deuxième temps et repartir à la troisième conjonction» [cf. Philippe de la Cotardière, ancien président de la société astronomique de France].
Petit remarque: Les Anciens n’ont parlé communément de la grandeur des comètes qu’en prêtant attention au spectacle de leur queue. D’après des témoins oculaires, celle de 1681 occupait, dans sa longueur, la moitié de la voûte céleste…
Restent dans notre mémoire littéraire, les paraphrases de la non moins célèbre marquise Madame de Sévigné qui, dans une de ses innombrables lettres, remarquait avec délicatesse et un regard lucide et amusé, le passage des comètes qu’elle observe avec admiration en 1664… et 1681: «Premièrement, il y a une comète qui paraît depuis quatre jours. Au commencement elle n’a été annoncée que par des femmes, on s’en est moqué; mais présentement tout le monde l’a vue.» Et encore, «J’ai vu cette nuit la comète. Sa queue est d’une fort belle longueur; j’y mets une partie de mes espérances.»…
Retenons que l’histoire de l’Homme a des facettes surprenantes montrant les ressemblances des fêtes et moeurs culturels depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours…
Et à présent, que les festivités battent leur plein…
Laissons-nous porter par les odeurs orientales… pains d’épices, cannelle, karkadé embaumant le fond de l’air… agrémentées par de petites formations musicales par-ci par-là… un voile lumineux recouvrant les allées et guidant les badauds… Les marchés de Noël offrent aux visiteurs cadeaux originaux et objets traditionnels pour décorer leur sapin… Cette tradition de Noël de décoration du sapin, nous vient de l’Egypte… En effet, dans un temps révolu, il semblerait que le palmier égyptien à douze branches ait été utilisé pour symboliser l’année qui passe… La coutume de sa décoration provient de la décoration traditionnelle des Pyramides durant le solstice d’hiver en l’honneur de Saturne… et la magie du moment mystique opère!!
«Io ! Saturnalia ! Bona Saturnalia!»
Bonne et Heureuse Année 2020 à toutes et tous!