Réflexions d'un expatrié

ou l'Occident et l'Orient dans la ligne de mire !

12 - La flamme de vie

12 - La flamme de vie

Le mois du bonheur par excellence, quasiment prescrit dans le journal voué à l'hédonisme occidental, me semble être le mois d'août symbolisé par les sacro-saintes vacances, réalisation d’une politique sociale moderne et depuis lors un acquis dans nos vies. Précurseure des droits aux congés payés a été l’Allemagne (1905), suivie par l'Autriche-Hongrie (1920) et plusieurs autres pays européens, tant du Nord que du Sud (1930), pour enfin être instaurés en France (1936). Le secteur du tourisme alors devenu un facteur indispensable du produit national pour de nombreux pays de voyage!

Soudain nous réalisons qu’une pandémie nous contrarie fortement et une solidarité particulière et internationale est requise.

Sollicités dans notre quotidien, surpris que notre train de vie soit limité, et notre individualisme hélas soumis à des restrictions de toutes sortes, une mise à l’épreuve de notre équilibre vital se fait ressentir…

Et les événements dantesques sont foison…

Interpellés par l’actualité ahurissante, comme récemment la double explosion dévastatrice à Beirut… fascinante ville entre Orient et Occident et coeur névralgique du Liban, en son temps sous l’égide de la France dans son rôle de protectrice des Chrétiens d’Orient... une onde de choc pour les citoyens de ce pays multiconfessionnel et multiculturel! Une tragédie pour les victimes provoquée par l'erreur ou simplement la négligence humaine! Une pensée affectueuse à nos amis… Le culte du bonheur profondément gâché... chaque sentiment d'une exaltation heureuse se perd dans le flou!

L’Histoire ne nous vient pas en aide pour remonter le moral de nous autres!

Le mene-tekel d'Hiroshima après le largage de la première bombe atomique en août, il y a 75 ans, reste pour toujours un avertissement préoccupant pour l'humanité… Un acte de destruction de la vie humaine froidement planifié, une barbarie sans nom.

La danse sur le volcan, impression d’un été caniculaire, laisse déjà ses traces, et je me faufile entre les mailles des mots-clés du poète et botaniste franco-allemand Adelbert von Chamisso (1781-1838) "Die Sonne bringt es an den Tag" (le soleil révèle tout à la lumière du jour)... la vérité ne peut rester cachée, un jour nos secrets feront surface!

<In memoriam aeternam>... en mémoire des victimes d'Hiroshima et de Nagasaki...

Une vague de chaleur de 10.000 degrés, comme sur l'étoile Soleil elle-même, a ramené l’inferno sur la Place de la Paix à Hiroshima, par l’explosion de la bombe atomique "Little Boy" (quel nom cynique!) du 6 août 1945 en l'espace de seulement 9 secondes... Toute vie dans un rayon d’environ 2 km à partir du point zéro a été effacée, environ 50.000 bâtiments se volatilisent dans les flammes… la superficie calcinée est d'approximativement 13 km2 (soit un peu plus que la superficie des 6 premiers arrondissements parisiens)... Seules restent, après cette tempête de feu, misère et dépravation pour des générations perdues, blessées à jamais par des rayons nucléaires... un drame à l’infini!

Tu n‘as rien vu à Hiroshima. Rien!... affirme l’amant à sa conquête d’une nuit passionnée dans Hiroshima mon Amour (1959), film déconcertant sur les traumatismes de la guerre, poème cinématographique inoubliable du “cinéaste de la mémoire” Alain Resnais. Un film sur l’oubli et le courage de renaître.

L’histoire se déroule en 1957 où une actrice française est venue tourner un film sur la paix et rencontre un amour éphémère avec un architecte japonais..., deux mémoires qui ne crèvent l’écran que par espoir, par folie de vivre… Le sujet essentiel, le sujet unique de cette pellicule, c'est l'amour (...l'amour qui foudroie, l'amour qui marque au fer rouge, l'amour qui se moque des lois, des règles, des frontières de l'espace et du temps..., Jean de Baroncelli, Le Monde 1959). "Nous avons voulu peindre les pires conditions de l'amour - a déclaré Marguerite Duras (scénario et dialogues) dans une lettre écrite à propos du film,- les conditions les plus communément blâmables, les plus répréhensibles, les plus inadmissibles."...

Et je dirais, Hiroshima où même l'ombre des victimes a été effacée à jamais! L'anéantissement total de toute vie où même le chant des oiseaux s'éteint pour toujours. Un scénario apocalyptique, non sans faire abstraction des conflits conventionnels… et sans vouloir être pathétique, l'idée me glace que tout à coup l'homme puisse décider délibérément, par un simple clic sur un bouton “magique”, de la vie et de la mort de toute une population, anéantissant leurs rêves, leurs espoirs, leur amour...

Albert Camus, après la réception de son prix Nobel à Uppsala en 1957, rappelle "qu'une cause même juste ne justifiera jamais l'injustice subie par une victime innocente… Le mal qui est dans le monde, vient presque toujours, de l’ignorance.”...

Quel monde aurons-nous encore après cette “chute dans le péché” contre toute l'Humanité! Comme quoi, la découverte du nucléaire est porte ouverte aux pires atrocités, voulues ou non… Tchernobyl, Fukushima, simulation de la terreur comme test idéal perfide, cobayes sur les Îles Bikini…

Le poème du Romantisme allemand d'Adelbert von Chamisso sonne soudain étrangement hors du monde... et je constate que c'est tout à coup comme si le soleil ne pouvait plus rien révéler, puisqu'un pouvoir presque égal à lui-même apporte les ténèbres dans lesquelles les ombres sont paradoxalement devenues invisibles!

"Science sans conscience n‘est que ruine de l’âme" (François Rabelais, 1532, Essais). C'est avant tout notre âme que l'on perd ou qui ne peut plus trouver son juste chemin...

Faust, qui a vendu son âme au diable… dans l'œuvre visionnaire de Johann Wolfgang Goethe (1808) ne disait-il pas :

"Deux âmes, hélas! se partagent mon sein, et chacune d’elles veut se séparer de l’autre: l’une, ardente d’amour, s’attache au monde par le moyen des organes du corps; un mouvement surnaturel entraîne l’autre loin des ténèbres, vers les hautes demeures de nos aïeux!"

L’intrigue: le Dr Faust, passionné pour l'étude, a épuisé toutes les sciences sans pouvoir combler le vide de son âme: l'ennui et la satiété le rongent. Il s'adonne à la magie, évoque l'Esprit de l'Univers, dont les railleries ne font qu'irriter son désespoir. Sur le point de porter à ses lèvres une coupe empoisonnée, il entend soudain le joyeux son des cloches annonçant la résurrection du Christ: il s'arrête, vaincu par le remords. Le démon, sous le nom de Méphistophélès, lui apparaît alors et lui promet, au prix de son âme, de rassasier tous ses désirs. En effet, grâce aux prestiges diaboliques, Faust s'enivre de jouissances, et néanmoins le bonheur fuit loin de lui. Une jeune fille, Marguerite, modèle d'innocence et de candeur, est victime de ses séductions…

Méphistophélès fait entendre sa voix :

"Je suis l'esprit qui toujours nie; et c'est avec justice: car tout ce qui existe est digne d'être détruit, il serait donc mieux que rien n'existât. Ainsi, tout ce que vous nommez péché, destruction, bref, ce qu'on entend par mal, voilà mon élément propre."

“J’en perd l’esprit, je crois, monsieur Satan, chez moi!” réplique le brave Faust, aveuglé et déboussolé par le Veau d'Or… et chanté par Léo Ferré “Thank you Satan”.

Non aveuglé par le Veau d'Or, mais par les Pommes d'Or du jardin des Hespérides, nous plongeons dans la mythologie grecque et le mythe du feu avec Prométhée le Titan. Prométhée est le prévoyant: il connaît tout d'avance, prévoit tout, contrairement à son frère, Épiméthée, qui ne comprend qu'après. Aussi, pour compenser les fautes de Epiméthée, époux de Pandore, qui avait doté les animaux de meilleures qualités que les humains, notre héros déroba à Zeus, le maître de l’Olympe, le feu divin pour l’offrir aux hommes, qui en étaient dépourvus et qui vivaient dans l’ignorance, le désordre et la confusion. Suite à ce cadeau, ils pourront utiliser au mieux les arts et les techniques; Prométhée leur enseigne en outre à se construire des habitations, à observer les astres, à distinguer les saisons, à exploiter les mines; il leur dévoile l'écriture, la science des nombres, la médecine, l'art nautique, la divination…

Au geste généreux du premier répondit le terrible châtiment du second. Le voleur de feu fut enchaîné sur un rocher dans la montagne du Caucase et condamné à d’éternelles souffrances… Héraclès, le célèbre héros grec de la force et de la lumière et puissant protecteur des immortels et mortels, vient au secours de Prométhée et le libère...

Zeus s’irrite de voir les talents des hommes et également leurs pouvoirs s'accroître sans cesse d’autant plus que Prométhée leur avait fait profiter de tous les enseignements qu'Athéna lui avait auparavant prodigués. Contrairement à l'interdiction de Zeus, Prométhée se sentit une fois de plus obligé d'aider les humains et leur apporter à nouveau le feu si nécessaire avec une ruse. Ce sacrilège conduit inévitablement à la brouille avec Zeus, qui se voit trahi.

Le Titan Prométhée, approuvé à l'Olympe et appartenant donc au cercle des immortels, est vu comme le créateur de la race humaine, il aurait façonné le premier homme, auquel Athéna insuffla la vie.

La lumière prométhéenne contre l'ignorance, qui fait partie de notre éclaircissement, brille pour toute l'Humanité et donne l'espoir d'une vie digne remplie de sagesse et de justice.

La découverte du feu, ou plutôt sa domestication, une des plus importantes de l’histoire de l’homme, a conditionné le développement de l'Homo erectus, (l'homme debout), probablement il y a un million d'années (grotte de Wonderwerk, Afrique du Sud, cf. article par Jean-Luc Goudet, Futura Sciences, 04.04.2012).

Le feu joue naturellement, comment pourrait-il en être autrement, un rôle central déjà dans les premières cultures de notre histoire... d’importantes fonctions sacrées dans les lieux saints façonnent la vie religieuse... les rituels d'incantation et la magie ont enchanté l'âme des adeptes… Du temps des Pharaons, les prêtres “battaient le feu” lors de la purification rituelle du sanctuaire funéraire. La responsabilité inhérente d’une maîtrise de cet embrasement qui pose un danger potentiel... Le feu peut rapidement se transformer en un fléau en cas de propagation... les Romains en ont fait les frais en 64 après J.-C. quand un incendie incontrôlé a dévasté leur cité impériale…

Restons solidaires dans la dignité et défions la peur... paralysante.

“La peur ne dépend de rien d’autre que de nous. Inutile d’allonger le mal par la pensée!”, Michel de Montaigne, “De l’expérience” - Essai III sur l’art de vivre heureux, publié anno 1580…