Chibale, le souriant (Flash Bruxellois 13)
Si, comme jadis la question “quo vadis ?” (où vas-tu ?) du Christ à un Saint Pierre tentant de fuir le martyre des chrétiens de Rome, était posée à nouveau, par exemple aux fonctionnaires, leur réaction serait très probablement : “Tous à Bruxelles“ !
Bruxelles, l’eldorado administratif et centre névralgique d’une Europe unie qui attire toutes les nationalités de ce monde… comparable au “Big Apple” de New York, “Melting-Pot” des cultures.
Il y a les européens pour qui la mention de Bruxelles a le même effet que la muleta du torero pour le taureau. Ces “souverainistes” accusent la capitale d’être l’incarnation de tous les maux de gaspillages financiers, de surrèglementation, d’ingérence et de centralisme. Il y circule aussi des blagues sur ce monstre d’une administration de 28 pays. Les fonctionnaires ne sont pas épargnés… À la question “combien de fonctionnaires travaillent à la commission? ”, la réponse est “précise” : un tiers ! Mais les Belges, dans leur grande majorité, sont en faveur d’une Europe unie.
L’emblème des étoiles est partout… sur des drapeaux, stickers, parapluies, bloc-notes, cartes postales et brosses à dents entre autres. Même le Manneken-Pis a son propre Euro-outfit ! L’enthousiasme est bien compréhensible eu égard aux profits tirés par la capitale européenne. Presque un tiers de la population est composé d’expatriés ! Rien que 50.000 travaillent pour l’Union européenne et encore 100.000 dans diverses associations européennes. Le bénéfice financier pour la petite Belgique est estimé à 4,5 milliards d’euros per annum ! Après le fédéralisme, façon de désintégration nationale, la protection par le bouclier de l’Union européenne est la bienvenue, malgré tous les désagréments possibles qu’elle provoque.
Multiples sont les institutions à découvrir ! Entre autres, le fascinant nouveau Parlamentarium, le plus grand centre de visiteurs d’un parlement en Europe. On pourra par exemple expérimenter une gigantesque installation lumineuse en 3D représentant une carte d’Europe changeante, une projection numérique de l’hémicycle (chambre parlementaire) sur un écran à 360°, un voyage virtuel et interactif à travers l’Europe et un mur-vidéo présentant des messages des députés européens.
Je laisse mon imagination glisser de ce monde de technocrates à celui de l’Egypte pharaonique où le bon fonctionnement de l’État reposait essentiellement sur les fameux scribes. À l’origine, les scribes sont recrutés parmi les privilégiés dans l’entourage de la famille royale. Mais à la fin de l’Ancien Empire, le développement de l’administration entraîne l’apparition d’une caste des scribes. Pour la plupart issus de la classe moyenne, ils constituent le principal appui de l’autorité pharaonique. Administrateurs, comptables, littérateurs ou écrivains publics, ces maîtres de l’écriture sont omniprésents.
Le scribe des Archives Royales domine l’administration centrale. Il coiffe, contrôle et enregistre les actions de toutes les autres institutions. L’ampleur de sa charge souligne, à “l’âge d’or” de l’Administration, l’importance que l’État accorde à l’écrit. L’écriture “plus durable que la pierre des pyramides”, est le témoin indispensable de tout ce qui constitue la vie d’un pays.
Le gouvernement est fondé sur une connaissance précise des personnes, des biens et des situations. La fonction de directeur des Archives Royales est souvent dirigé par un Vizir. Le bureau devient ainsi le centre d’archivage de l’État, et les départements d’inventaires spécialisés se multiplient. Il est même naturel pour Pharaon d’endosser le pagne qui caractérise la modeste tenue des scribes. D’essence divine, le souverain ne fait que se conformer à l’illustre modèle du dieu Thot. Créateur des langues et de l’écriture, auteur de livres de magie, Thot est le patron des scribes. Noblesse oblige, le grand papyrus Harris – le plus long que l’on connaisse (42 m) – aurait été rédigé par le grand Ramses III pour son fils Ramses IV !
Les fonctionnaires de notre temps sont toujours libres de prendre exemple sur cette vertueuse et noble caste.