Réflexions d'un expatrié

ou l'Occident et l'Orient dans la ligne de mire !

Msrah, le bavard (Flash Bruxellois 25)

Msrah, le bavard (Flash Bruxellois 25)

Plusieurs formes de bien-être exigent des variations dans notre comportement habituel. Alors c’est à nous de créer les conditions sine qua non… pour améliorer notre état d’aisance ! Souvent les choses profanes suffisent pour nous mettre dans un état heureux voire euphorique. Toutefois, la prédisposition personnelle est primordiale…

Depuis la nuit des temps, les Egyptiens aiment fréquenter les cafés, y papoter, s’y raconter les dernières nokat… histoires drôles, y fumer narguilé, chicha ou goza autour d’un café turc, thé ou karkadé… Dans ce contexte, le Café El Fishawi ou Café des Glaces, dans le souk Khan el Khalili, est sans aucun doute une institution de premier rang – l’un des plus vieux café du Caire et le plus célèbre du monde arabe. Un endroit au charme oriental pour voyager dans ses pensées diverses… Ce n’est pas un hasard si l’écrivain Naguib Mahfouz, prix Nobel de littérature fait de cet endroit son propre lieu de rencontres d’artistes, écrivains et intellectuels… tel le poète Ahmad Rami, auteur de plusieurs chansons d’Oum Kalsoum. Le café a gardé son âme depuis plus de deux siècles. Les beaux lustres en cristal et ses grands miroirs patinés en sont les témoins d’antan !

Autre lieu mythique, le Café Riche. Proche de l’état-major britannique installé au Savoy Hotel, le Riche était, à ses débuts, un endroit stratégique où se croisent intelligentsia cairote et élite cosmopolite. Ses habitués sont aux premières loges lors de la révolution de 1919 contre la puissance coloniale britannique… Quelques années après, la jeune Oum Kalsoum, plus tard diva adulée du monde arabe, donne des concerts dans le jardin du Riche, comme bien d’autres artistes ! Intellectuels, politiciens et espions fréquentent le Riche de l’après-guerre. Gamal Abdel Nasser avec les membres du mouvement des Officiers libres, y fomentent le coup d’état qui renversa le roi Farouk Ier en 1952.

Après la nationalisation du canal de Suez en 1956, le Café également passe aux mains des Egyptiens, racheté par les frères Salib. Taha Hussein, le “doyen de la littérature arabe” y lance le journal Al-Katib Al-Misri et l’incontournable Naguib Mahfouz en fait son repaire favori. Tous les vendredis, Naguib y tient un salon littéraire, sirotant son café turc. Son roman Karnak Café témoigne des histoires révolutionnaires. Un microcosme de la société égyptienne s’y retrouve pour échanger, se souvenir et rêver au renouveau… reportage désespéré et chargé d’humour noir. Une histoire dense imbibée d’allusions fortes et suggestives…

Le café et son histoire passionnent. Le café est originaire de la région de Kaffa et cultivé au Yémen. En quelques décennies, il se propage au Proche Orient qui est séduit par son goût exceptionnel et “ses vertus bénéfiques sur le tube digestif”, dixit Avicenne. Ce breuvage chasse fatigue et léthargie, apportant au corps vivacité et vigueur. Vers 1600, le café a ensuite conquis le monde occidental via les marchands vénitiens, l’Egypte jouant un rôle transitaire d’importance.

Petite anecdote, le clergé conseille à Clément VIII d’interdire ce breuvage, car il représenterait une menace venant des infidèles… Après l’avoir goûté, le pape baptise la nouvelle boisson, déclarant que le laisser aux seuls infidèles serait dommage !

Les fèves d’Arabie sont exportées de Moka, port de la Mer Rouge via Suez et Alexandrie. Des navires de Venise, Gênes ou Marseille les distribuent dans toute l’Europe.
Précurseurs dans le commerce du café, les Vénitiens ont leur Caffè Florian sous les arcades de la place Saint- Marc. Temple de luxe avec ses décorations rococo et portraits d’illustres vénitiens tels Marco Polo, Titien, Goldoni…., il est fondé en 1720 par Floriano Francesconi. Phare de la culture du café et ce jusqu’à nos jours.
Comme disait Balzac…” … foyer de théâtre…“. Je dirais l’antichambre de l’histoire, réunissant les doges de la Sérénissime, ambassadeurs, espions… et, last but not least, les femmes… il se raconte que Giacomo Casanova en aurait fait son terrain de chasse…