Hapi, le mordant (Flash Bruxellois 32)
Les flocons de neige tombent doucement créant un nouveau paysage bucolique… un duvet léger sur monts et vallées faisant naître un conte d’hiver. Tous ces cristaux de neige étincelants sous le soleil propagent un sentiment de plaisir et la pureté de l’air donne l’agréable sensation d’une bouffée d’oxygène ! Protégée par la neige, la nature s’endort profondément. Il en va de même des majestueux ours blancs et autres espèces animales en hibernation dans nos contrées… Pour nous aussi, c’est la saison pour se lover dans les bras de Morphée et nous y ressourcer !
Dans la mythologie grecque, Morphée, fils d’Hypnos, est une divinité des rêves prophétiques. Il plonge dans sommeil et rêves les personnes choisies rien qu’en les effleurant de ses fleurs de pavots. Le sommeil, souvent comparé à la mort, est aussi vécu comme une “petite mort “ et sujet à diverses interprétations depuis l’Antiquité. Ce n’est pas par hasard que Thanatos, jumeau d’Hypnos, est le dieu de la mort !
Selon Hérodote, grand voyageur et historien, les Égyptiens sont les premiers à dire que “Bâ”, l’âme de l’homme, est immortelle ! Sous la forme d’un oiseau, elle quitte le corps pour se présenter devant le Jugement d’Osiris. Dans le célèbre “Livre des Morts”, le défunt s’adresse ainsi à Osiris : ”je m’incline devant toi, grand dieu… je suis venu… pour m’apercevoir de ta perfection”. Horus, fils d’Osiris, et le dieu funéraire Anubis évaluent l’âme du défunt pesant son cœur sur une balance contre une plume déposée par Maât, déesse de la rectitude.
Derrière eux se tient l’être hybride Ammit, la dévoreuse des âmes impures. Si le défunt a péché, son cœur serait trop lourd. Toutefois, il a le droit de plaider sa cause par une confession négative en énumérant 42 péchés qu’il n’a pas commis de son vivant ! Alors le dieu Thot, dans sa fonction de greffier, rédige un rapport démontrant que le défunt à une âme juste. Osiris prononce enfin son verdict accordant au défunt le statut d’”Akh le bienheureux” lui ouvrant ainsi les portes de son royaume… la mort comme dernière et suprême initiation de perfection ! Cette forte valorisation métaphysique dans la culture égyptienne est historiquement assez unique. Les pyramides et temples en sont, toujours et encore, les précieux témoins !
Mort et sommeil étant étroitement liés, les Égyptiens de l’époque vivent dans l’inquiétude de s’endormir craignant les démons prêts à abuser des dormeurs inconscients, sans défense aucune ! C’est pour cette raison que le dieu ”Bès”, plutôt génie protecteur contre les mauvais esprits, se manifeste sous forme d’amulette dans tous les foyers. Sa spécialité est la protection du sommeil… état fragilisant où l’individu est à la merci des forces dangereuses ! Le populaire Bès effraie les mauvais esprits rien que par son aspect repoussant ! Socrate, le grec, quant à lui conclut à la veille de sa mort, sur un ton plutôt flegmatique : ”La mort n’est peut-être qu’une nuit sans rêves”. Déjà dans son Odyssée, Homère “le poète” évoque que “le sommeil… fait oublier aux Hommes les biens et les maux“ !
Montaigne, philosophe de la Renaissance, reprend le sens de ces discours de l’Antiquité et explique que la mort “c’est… d’entrer en une longue et paisible nuit” et “si la mort est un sommeil, l’agonie n’est qu’une autre forme de l’endormissement”.
Pour nos ancêtres, les rêves étaient d’essence divine et ouverts aux interprétations. Même Hippocrate, père de la médecine moderne, a pris en compte l’analyse des rêves dans ses prescriptions. L’oniromancie, étude des rêves divinatoires, a toujours nourri l’imagination jusqu’à la psychanalyse moderne et ses secrets avérés par un certain Sigmund Freud…
Espérons que nos rêves soient harmonieux et prévoyants en faveur de nos projections imaginaires… avec ou sans amulette contre tous les cauchemars d’aujourd’hui…