07 - Hérodote, l’homme solitaire face à l’Histoire !
A l’instar du berceau du Monde en Mésopotamie, la fugacité des symboles monumentaux devrait nous donner matière à réflexions… pour comprendre l’ampleur de notre ancrage civilisateur et culturel!
Les illustrations des prétendues époques de grandeurs universelles nous servent d’éclairage, façon boussole à la découverte des carrefours historiques, époques décisives pour l’histoire avec ses hauts et ses bas.
L’Antiquité, avec ses Sept Merveilles du Monde, ses glorieuses et grandioses réalisations d’un esprit extraordinaire, toutefois sous l’égide du monde divin, est à cet égard essentielle pour le développement ultérieur de notre humanité.
L’utilité, en tant que phare, du Colosse de Rhodes aux pieds d‘argile montrant la gigantesque statue d‘Hélios, manifestation du soleil en personne, érigée face au port de l’île Egée, est évident et joue probablement un rôle formel pour la navigation, symbole d’ouverture vers le monde et en même temps revendication hégémonique de taille.
Et encore le colossal Phare d’Alexandrie, construit sous l’ère ptolémaïque et dernière des Sept Merveilles, a impressionné ses contemporains ne serait-ce que par sa taille gigantesque… Un message au monde de l’importance économique de Alexandrie -ville fondée par Alexandre le Grand, cité aux milles fantasmes, fleuron culturel, synonyme de progrès- et aussi d’une vitalité pour la navigation maritime surtout dans les eaux extrêmement dangereuses au large de la ville portuaire.
Le nombre de naufrages de l’Antiquité sont légion… combien de navires, partis du Levant, de Grèce, d’Italie furent-ils engloutis par les flots de la Méditerranée? Les destins des équipages et passagers, emportant leurs biens, leurs idées, leurs valeurs ou leurs croyances religieuses, sont parfois ouverts à l’interprétation au fil des découvertes des épaves par l’archéologie sous-marine moderne. Ces gisements archéologiques permettent de localiser, sauver les vestiges des fonds marins en reconstituant les pièces du puzzle et comprendre le fonctionnement du commerce dans l’Antiquité.
Les Merveilles du Monde, œuvres architecturales d’une grande maîtrise à l’apogée de leur temps, sont énumérées dans une liste, dite canonique, probablement établie par les milieux littéraires alexandrins, et sélectionnées d’après les codes de beauté, grandeur et performance technique.
Ces sept oeuvres ont été construites entre environ 2500 av. J.-C. pour la Pyramide de Khéops et 300 av. J.-C. pour le Phare d’Alexandrie. La grande Pyramide de Khéops, située à Gizeh près du Caire s’élève à 146 mètres. De nos jours, elle s’offre encore aux yeux des visiteurs pour leur plus grand plaisir. Quant à l’existence des autres merveilles, elle n’est prouvée que par des fouilles, passées ou à venir… les jardins suspendus de Sémiramis à Babylone pour leur part, étant encore à localiser !
La statue d’Hélios à Rhodes, et quelques siècles plus tard le Phare d’Alexandrie, ont tous deux été détruits par un tremblement de terre! Ces deux édifices d‘une valeur inestimable, disparus et presque oubliés au fil des siècles, ne nous laissent pas de rapports exacts sur leur apparence extérieure… pourtant gravés dans la mémoire de l’humanité.
Les grands ouvrages architecturaux d’antan… y compris les innombrables autres oeuvres d’importance, classés au Patrimoine Mondial, sont protégés par l’Unesco, garante de leur préservation. Ça c’est la théorie… Malheureusement, les fanatiques illuminés ne reculent devant rien et détruisent délibérément les trésors historiques. Exemples en sont les Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan et le sanctuaire de la cité antique de Palmyre en Syrie. Triste et révoltant sacrilège contre la mémoire universelle.
À l’exception de la Pyramide de Khéops, aucun aspect confirmé n’existe pour expliquer l’apparence des Merveilles à l’exception de quelques récits plus ou moins vagues, ou contradictoires, de témoins oculaires ayant un penchant pour l’exagération! Le colosse de Rhodes et les fabuleux jardins suspendus restent encore un mystère pour la postérité.
Plus les choses sont énigmatiques, plus notre imagination est stimulée, surtout dans le domaine artistique. Pour illustrer la statue, bijou d’ingénierie grecque dépassant les trente mètres, de nombreux artistes à travers les siècles se sont essayés à le représenter avec plus ou moins de succès. Dans une gravure du XVIe siècle, le flamand Maarten van Heemskerck l’imaginea enjambant de part et d’autre l’entrée du port une torche à la main! Situé au port principal de l’île homonyme, ce colosse a inspiré également un des plus extravagant artiste de notre temps et pionnier du surréalisme, Salvador Dali. En 1954, il peint le colosse laissant libre court à son imagination… effectivement, les vestiges de la statue ne permettent pas une reconstruction ne serait-ce que partielle!
Le Phare d’Alexandrie qui lui a perduré jusqu’au XIVe siècle, est aussi depuis toujours sujet à des spéculations… nombreuses bandes dessinées et oeuvres cinématographiques l’ont immortalisé! Le Phare, d’une hauteur de 135 m, tient son nom de l’Île Pharos située au large d’Alexandrie. Son emplacement se trouve sur le lieu de l’actuel fort Qaitbay où une statue ptolémaïque a été découverte grâce aux fouilles sous-marines de l’archéologue Jean-Yves Empereur. Les illustrations du Phare, elles, ne correspondent pas au descriptif oral des témoins et sont plutôt fantaisistes!
Le Colosse de Rhodes et le Phare d’Alexandrie sont le reflet d’un monde sous domination hellénique, avant l’émergence des puissances de Carthage et Rome. Selon la mythologie grecque, le titan Prométhée a réussi à dérober le feu sacré de l’Olympe pour en faire don aux humains… Peut-être était-il aidé par son acolyte l’historien grec Hérodote qui tenait à expliquer et mémoriser l’Histoire pour la postérité ?! Le « Père de l’Histoire » (dixit Cicéron) était aussi surnommé “le premier reporter au monde » par un collègue des temps modernes (Ryszard Kapuscinski “Mes voyages avec Hérodote“, 1950).
Hérodote décrit une vision personnelle du monde qu’il a exploré en écoutant les récits des témoins sur place et des informateurs des différents pays visités. L’œuvre majeure d’Hérodote, au titre énigmatique «L‘enquête», se met au service des peuples, des cités et des civilisations. Avec le sens du mystère, il prête aussi une attention particulière aux oracles, mythes et rites, cherchant les décryptages des signes divins. Lors de son séjour en Egypte, Hérodote eut l’occasion de contempler la Pyramide de Khéops édifiée deux millénaires plus tôt.
Homme de raison libre, forgé par “la Polis”, il dépeint le Pharaon comme un tyran qui obligea son peuple à ériger son tombeau… dans des conditions de quasi-esclavage… ce qui n’est pas certain. Le Pharaon est le représentant du divin, en fonction réelle et en accord avec les traditionnels mythes qui caractérisent la pensée et l’existence des Égyptiens de l’Antiquité.
Avec les informations qu’il a pu glaner ici et là, Hérodote décrit à sa façon et avec grande habileté la construction de la Pyramide… laquelle est jusqu’à nos jours d’actualité même si d’autres interprétations techniques plus récentes ont pu voir le jour. Toutefois, il est à constater que Hérodote est dépassé par ce monde égyptien si différent de son propre cosmos grec… À la fois ethnographe, historien et anthropologue, il traite avec enthousiasme les questions politiques et philosophiques sur la liberté et la démocratie, la place des citoyens et des femmes en particulier.
Retournons à présent en Macédoine où le Roi Philippe II fonde les bases de son Empire en conquérant les villes côtières grecques. Plus tard, c’est à son fils Alexandre, nommé le Grand, de conquérir l’Asie Mineure. Grâce à sa victoire d’Issos en 333 av. J.-C., il s’empare même des territoires au bord de l’Euphrate. Et il ne s’arrêtera pas là… La Syrie, la Palestine et l’Egypte furent ses prochaines conquêtes. Lors de la campagne des Indes, il étend son influence sur tout l’Empire Perse et in fine sur le Pendjab!
Alexandre conserve les satrapies en Perse, plaçant Macédoniens et Perses à leurs têtes. Il dirige la Grèce en tant que général de la Confédération corinthienne. En Égypte, il prend appui sur les fonctionnaires des Pharaons. Roi de l’armée, du peuple macédonien et seigneur de la Grèce, Alexandre est vénéré comme le fils de Zeus, dieu des dieux, et encore fils d’Amon par l’oracle d’Ammon-Zeus dans l’oasis de Siwa!
Cet oracle, lors du rite de son intronisation comme Pharaon, était fondamental pour gagner le cœur des Égyptiens. In fine, il a régné sur son Empire en tant que Roi d’Orient, aliénant largement les Grecs libres de la Polis dont les caractéristiques sont la liberté externe (eleutheria) et interne (autonomia) liées à l’indépendance économique (autarkeia). Ces derniers… not amused… ne se montrent pas enthousiastes à cette façon « narcissique” de gouverner, pourtant la mieux adaptée aux conditions particulières et hégémoniques d’un « marketing avant-gardiste » :))! Après sa mort, l’idée d’unité de son empire distendu s’effondra. La suprématie hellénique quasi mondiale s’effrite dans les prétendus Royaumes des Diadoques.
Nous restent toujours les ouvrages de l’Antiquité, témoignages valorisants de notre Histoire et, de ce fait, nous aident à répondre aux questions d’un avenir sous le signe d’une paix juste contre l’ignorance et la barbarie. La perspective de gérer ce monde universel dans l’esprit d’un humanisme éclairé est primordiale, surtout pour contrer le menetekel de l’apocalypse souvent évoqué. N’oublions pas que les armes de destructions massives, pour ravager tout ce beau monde, sont largement suffisantes… Hiroshima et Nagasaki, villes martyres et mémorials bouleversants de l’horreur de la guerre et de la folie des hommes… témoins d’un drame à ne pas oublier.
« Je ne sais pas comment sera la troisième guerre mondiale, mais je sais qu’il n’y aura plus beaucoup de monde pour voir la quatrième” (Albert Einstein).
Alors faisons encore preuve de persévérance et menons nos actions dans l’esprit des Lumières… changeons notre façon de penser pour contrer nationalisme et égoïsme infantiles. Que l’aventure de cette vie « dans toute sa splendeur » nous comble… en quelque sorte à l’instar historique de la Pax Romana… longue période de paix imposée par l’Empire romain pour pacifier les régions du “monde”…
Nous n’avons pas le choix…
Wolf