01 - La Liberté universelle
A Bruxelles quand tombe la nuit, le Parlement européen illuminé, vu depuis le parc Léopold et de la place Jourdan au cœur du quartier européen, apparaît comme un énorme paquebot entre terre et ciel… une Fata Morgana revisitée! Le bâtiment, à l’allure transparente d’un château de verre, s’élève sur un mont surplombant le petit lac du parc romantique. Ne dirait-on pas entre “Mare e Monti” façon corse, seulement sans la mer!
Le Parlement européen représente majestueusement ses 27 États membres. C’est ici tout comme au Conseil et à la Commission que se joue le destin d’une Europe unie… hélas souvent paralysée ne serait-ce de par son ampleur! Le grand nombre de ses membres lui influe son caractère flegmatique dépassant maintes fois les activités d’une Europe forte et réactive au monde. Cependant, le centre de gravité de la gouvernance ne lâche pas les rênes contre toute menace centrifuge, quoi qu’il en soit. C’est pourquoi la mise en oeuvre de l’ensemble de valeurs communes prédomine dans les discussions “intra-muros” souvent très animées!
Après le choc du Brexit et son instrumentalisation par des mouvements souverainistes tout comme par la résurrection d’un populisme nationaliste, la gouvernance européenne est dans l’obligation de se restructurer en faveur des nouvelles orientations plus proches de “son grand peuple” multiculturel! Tant que cette tâche ne sera pas pleinement réalisée, l’union politique elle-même marchera sur des pieds d’argile!
Un scénario inquiétant qui me fait penser au Colosse de Rhodes. La célèbre statue de bronze de plus de 30m de haut à l’effigie du dieu-soleil Hélios… représente la Sixième Merveille de l’Antiquité! Selon la légende, un tremblement de terre, avant notre ère, aurait brisé les pieds d’argile du colosse. Quelques siècles plus tard, ses tristes vestiges disparurent complètement, emportés par une expédition califienne. Encore une perte d’un monument si précieux pour notre mémoire collective! Incarnation du soleil divin, la statue coiffée d’un diadème aux rayons pareils à ceux d’un portrait du dieu-soleil grec Hélios, lui-même immortalisé sur un sarcophage romain du IIIe siècle, représente en son temps un symbole fort des échanges maritimes à l’échelon mondial.
Le colosse de Rhodes devient in fine la principale source d’inspiration artistique pour le sculpteur Bartholdi, créateur de la statue de “La Liberté éclairant le monde” à la fin du 19eme siècle. D’après les premières intentions de l’artiste, la statue devait figurer à l’entrée du Canal de Suez, lors de son inauguration, en l’honneur de ”L’Egypte éclairant l’Orient”. Il présenta son projet au Khédive Ismaïl Pacha mais ce projet faramineux n’a pu être réalisé en Egypte, faute de finances.
Toutefois, Bartholdi voit son rêve se réaliser. La statue de la Liberté, nommée d’après la déesse romaine “libertas”, est finalement offerte par la France aux États-Unis d’Amérique en signe d’amitié entre les deux nations lors des célébrations du centenaire de la Déclaration de l’Indépendance américaine. L’inauguration d’un monument emblématique dans l’esprit ouvert aux peuples en détresse cherchant leur liberté personnelle!
Une véritable avancée envers une libération de l’humanité, née par l’élan optimiste du 19eme siècle avec ses grandes découvertes et inventions en partie révolutionnaires… je dirais des “start up” globales d’une nouvelle ère de la technologie et de l’industrialisation! Le continent américain reflète, dès la première vague d’immigration avec l’arrivée au XVIIe siècle du fameux vaisseau Mayflower, la motivation à développer la vaste inconnue du territoire de l’Ouest, dit “sauvage”. Un siècle plus tard, les nouveaux défis de constructions ferroviaires et routières sont économiquement très prometteuses et réalisables à la lumière des nouvelles technologies montrées avec fierté et enthousiasme lors de diverses expositions universelles. Les nouveautés sont légion!
Ce sentiment d’un renouveau s’est accru par les inédites possibilités scientifiques. De surcroît, d’immenses ressources minérales et réserves d’or attirent, dès le début, les foules miséreuses et désespérées, venant de partout et nulle part, à la recherche de la terre promise! Le redoutable aventurier en quête de fortune est devenu le protagoniste des multiples Western. Tout comme les ranchers toujours dans la ”nécessité” à défendre un terrain attribué au hasard par une administration lointaine.
Hélas, les injustices envers les tribues indiennes sont nombreuses et les conflits inévitables. Leur espace vital est menacé en permanence et leur biosphère de chasseurs de plus en plus réduite. Résultat, ils sont assignés dans des réserves, “les zones protégées”!
La condition de vie dans l’oubli général soulève inévitablement la comparaison, un peu cynique j’avoue, avec la protection des animaux dans les parcs nationaux… la tristesse en plus… et je dirais avec Erasme de Rotterdam (1469-1536) “Si la vie demeurait triste, elle ne s’appellerait pas la vie […]”. Il s’y ajoute des humiliations par des défaites traumatisantes comme celle infligée par le massacre de Wounded Knee lors d’une opération militaire, même encore en 1890!
Ne dirait-on pas que la plus profonde tristesse se cache aussi derrière les plus beaux sourires !
Au fait, le grand philosophe et humaniste Erasme de Rotterdam, avec résidence temporaire à Bruxelles, mérite le titre du “premier Européen“. En tant que conseiller des cours royales, la vision d’une Europe pacifiée est pour lui la “condition sine qua non” d’un développement durable! Sortir du “Bellum omnium contra omnes“ (Thomas Hobbes) -la guerre de tous contre tous- est son souci. Il déplore la folie des pertes en vies humaines qui hantent les patries! Une Europe d’une culture raffinée et solidaire est donc le crédo d’Érasme, humaniste et homme de la Renaissance par excellence! Des nos jours, le programme Erasme, internationalement reconnu, favorise l’échange d’étudiants et d’enseignants entre les universités et grandes écoles européennes.
Un grand contemporain d’Erasme et proche de ses visions est l’Archiduc d’Autriche, Empereur du Saint-Empire romain germanique, Maximilien 1er de Habsbourg, au surnom romanesque de “dernier chevalier“. L’Empereur entretient d’excellents liens avec le richissime comptoir financier allemand Fugger d’Augsbourg qui, à ses côtés, finance la démarche hégémonique de la maison Habsbourg. Pour renforcer la vision et les courants européens, Maximilien 1er ordonne de frapper des pièces précieuses gravées du nom “Europa”… une première! Signe extraordinaire de sa volonté d’unifier l’Europe par une paix multilatérale et persistante.
Ses souhaits ont été entendus! Sous le règne de son successeur et petit-fils Charles Quint, né à Gand en Belgique, la plus grande extension de l’Empire des Habsbourg est atteinte, entre autres suite à son mariage avec l’Infante d’Espagne Isabelle de Portugal.
« Que les autres fassent la guerre, toi, heureuse Autriche, contracte des mariages, car les royaumes que Mars donne aux autres, c’est Vénus qui te les assure ».
Charles Quint ne dira-t-il pas “Le soleil ne se couche jamais sur mon Empire”! dixit Alexandre le Grand !