Réflexions d'un expatrié

ou l'Occident et l'Orient dans la ligne de mire !

06 - La vérité traverse les temps de l'Humanité !

06 - La vérité traverse les temps de l'Humanité !

Le printemps nous comble de joie, nos aspirations à la lumière libératrice de la léthargie de l’hiver se réalisent. La dureté de l’existence hivernale ne pèse plus et la lumière renaissante nous donne, tout comme à tous les êtres vivants, un nouveau pouvoir créateur. Beauté, clairvoyance et inspirations à nouveau à l’ordre du jour!

Le temps des Lumières… fraternité et humanité, fondé sur la raison ainsi que la justice, nous apparaît! Dès lors que l’homme a su interpréter le ciel et ses phénomènes visibles, il a pris conscience que le soleil est l’élément nécessaire lui apportant lumière, chaleur, subsistance… donc la vie. Dixit un proverbe latin “Sum si sol sit”, “je ne suis que si le soleil y est“ !

Des constructions très anciennes furent édifiées en tenant compte de la disposition du soleil… Le fameux tunnel du cairn de Gavrinis dans le Morbihan aux gravures spiralées ne laisse entrer le soleil qu’une fois par an au moment du solstice d’hiver. Ou encore le spectaculaire phénomène des rayons de Rhâ traversant le temple d’Abou Simbel pour illuminer deux fois par an la statue de Ramsès II (jour de sa naissance et de son couronnement). Témoignages à merveille de l’importance symbolique du soleil…!

Dans le panthéon grec Apollon, fils de Zeus, représente le soleil. Citons aussi Hélios, personnification du soleil lui-même. Dans la mythologie romaine, Sol est le dieu du soleil, de la lumière et chaleur. Frère de la Lune, il symbolise ainsi le cycle des saisons. Le solstice d’été marque la nouvelle année dans nombreuses cultures comme étant la journée la plus longue, quant au solstice d’hiver, elle en est la plus courte.

La lumière est considérée depuis toujours comme force opposante au royaume des ténèbres, à l’obscurantisme, à la superstition, à tout pouvoir tyrannique et incarnation d’injustice! Des grands penseurs du XVIe et XVIIe siècle rejettent la soumission du Moyen- ge à l’argument d’autorité quasi divine… Un des leurs, Blaise Pascal, résume “la justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique” !

Dès le VIIe siècle avant notre ère, la notion de tyrannie apparaît en Grèce. Des soi-disant tyrans archaïques profitent avec ruse et brutalité des conflits sociaux et des turbulences politiques émergents dans leur cité. Leurs actions visent généralement un ancien régime aristocratique enraciné et bien établi. Fait intéressant, la tyrannie est souvent suivie d’une démocratie ou encore d’une oligarchie. À la fin du Ve siècle et après la guerre du Péloponnèse, certaines cités en difficulté intérieure ou extérieure, sont confrontées à nouveau au règne tyrannique, phénomène plutôt isolé… les régimes constitutionnels, démocratiques ou oligarchiques façonnent de fait le monde grec.

Constatons alors que la tyrannie reste particulièrement associée à la colonisation grecque. La Sicile et Syracuse en particulier devraient être mentionnées dans ce contexte!

En 734 avant notre ère, les Grecs exilés de Corinthe, ayant trouvé leur paradis, fondent une colonie sur l’île d’Ortigia dotée d’une des plus belles sources d’eau vive de la Méditerranée. Par la suite, son essor grandissant, Ortigia s’étend sur la terre ferme et la cité-Etat Syracuse [Syracoussai] naît! En 485 av-J.C., le tyran Gélon s’empare de cette ville emblématique et ainsi s’ajoute une importante population grecque qui s’y implante.

Ce développement démographique rapide est une des causes de l’inimitié croissante de Carthage! Alliée avec le tyran Théron d’Agrigente, Syracuse vainquit Carthage lors de la guerre du Péloponnèse pendant la bataille d’Himère en 480 av-J.C. Elle joue un rôle de plus en plus important en tant que puissance commerciale, concurrence même Athènes, et gagne finalement une des guerres les plus sanglantes de l’Antiquité! La grande flotte des Athéniens subit une lourde défaite… Syracuse in fine le pouvoir incontestable étendant son hégémonie sur une grande partie de la Sicile !

Après un petit intermezzo démocratique, la cité se trouve à nouveau sous l’emprise d’un tyran… celle de Denys l’Ancien (405 à 367 av-J.C) qui, comble de l’hypocrisie, bannit le terme “tyran”! Il cherche soi-disant une union gouvernementale en interaction avec le peuple! Sous son règne, Syracuse devient la plus puissante ville grecque à l’ouest de la Grèce continentale. Avec ses 300.000 habitants, elle domine incontestablement la Sicile.

“Tout baigne” dirait Scotty, le plus grand et plus ancien des Tyran-nosaurus Rex connu…, mais non… Blague à part, le souverain devient de plus en plus suspicieux envers son entourage! Et comme le soulignait Francis Bacon dans Les Essais, 1625: “Les soupçons disposent les gouvernements à la tyrannie(!), les époux à la jalousie et les hommes les plus sages à l’irrésolution et à la mélancolie. Ce défaut vient plus de l’esprit que du cœur, et souvent les âmes les plus courageuses n’en sont pas exemptes.” …

Denys craignant un complot imminent, se retire et s’enferme dans son château-forteresse d’Ortigia… la rumeur qui court devient évidence, le souverain souffre d’une paranoïa avancée! La fameuse légende de l’Épée de Damoclès trouve sa source parmi les courtisans de l’entourage de Denys. Un certain Damoclès vantait sans cesse au souverain, l’étendue de son pouvoir et le bonheur d’une vie luxueuse. Sur ce, Denys invite Damoclès à une somptueuse fête et, au moment le plus euphorique, lui montre une lourde épée suspendue au-dessus de sa tête, retenue uniquement par un mince crin de cheval prêt à céder. Le souverain lui signifie ainsi la précarité de toute condition, y compris de la sienne. Ergo, l’épée de Damoclès serait donc une menace imminente avec laquelle il faudrait toujours compter…

A Denys l’Ancien succède son fils Denys le Jeune, 367 av-J.C., un insignifiant autocrate comparé à son paternel. Sa gouvernance nonchalante mène à une anarchie sanglante. Son oncle Dion, disciple et ami de Platon, est appelé  au secours de la ville par les mécontents pour arrêter l’agonie et l’écroulement de l’Etat. Ce fut de courte durée, le guerrier philosophe tomba sous les coups de ses propres  mercenaires ramenés de Grèce…

Après la confusion et quelques fautes de navigation tortueuse du navire Etat, c’est au tour d’Agathocle le potier de prendre la relève en 304 av-J.C.! Pour consolider son pouvoir, il ordonne d’entrée un véritable massacre dans les rangs aristocratiques. Lui aussi tyran confirmé! Mais Syracuse reprend son élan, de nouveaux immigrants débarquent et la cité est à son apogée, contrôlant tout l’Est de la Sicile et la majeure partie du Sud de l’Italie… Agathocle enfin Roi de Sicile…!

Malgré tout, une vie culturelle existe…! Le dramaturge Eschyle, père de la tragédie grecque, fête ses succès dans le théâtre de Hiéron II, y mettant en scène ses oeuvres, dont Les Perses.

Le philosophe Platon a laissé ses traces en tant que conseiller auprès de certains tyrans… mais expulsé par la suite. Théocrite de Syracuse invente la poésie bucolique, plus tard imité par Virgile. Quant à Archimède, enfant de la cité-Etat, il sympathise avec Hiéron II, dernier tyran de Sicile désireux de repousser, avec son aide, la progression romaine. Une alliance avec Carthage n’a pas porté ses fruits… Lors de la première guerre punique, Rome débarque en Sicile et en 212 av-J.C. Syracuse tombe et Archimède y perd la vie… Toutefois elle demeure capitale de la province romaine de Sicile.

Les tyrans, d’ici et d’ailleurs, de toutes les époques de notre Histoire, vaste sujet inépuisable!!

Ce bref aperçu historique des tyrans grecs est aussi incomplet que leur vie de souverains en manque de bonheur… Contraire aux idées erronées de quelques Grecs de l’Antiquité, les tyrans seraient les plus heureux des hommes… mais pour cela trop de tyrans sont tombés dans la folie dévastatrice, la manie de la paranoïa sous le menetekel de leur destin inhérent des tragédies. Sans parler du tyrannicide ni du suicide!

Le principe de la vérité est le fondement pour une vie équilibrée et en paix avec son propre ego… la démagogie des tyrans par contre est basée sur celui des mensonges…

Dans ce contexte, j’ai le plaisir de mentionner la fameuse Bocca della Verità [Bouche de la vérité] à Rome, popularisée dans le film “Vacances romaines” par William Wyler en 1953, servant de décor à une scène avec les inoubliables Audrey Hepburn et Gregory Peck! La Bocca est un imposant masque sculpté en marbre et daté du Ier siècle après J.C. Elle représente le visage d’un homme barbu, aux cheveux bouclés, bouche et yeux grand ouvert.

La Bocca est située à proximité du cirque Massimo, un des endroits les plus charismatiques de Rome, et placée dans la prônais de la basilique Santa Maria de Cosmedin en 1631 sur ordre du pape Urbain VIII Barberini. Selon une légende du Moyen- ge, la Bocca della Verità aurait été construite à l’usage des épouses et époux doutant de la fidélité de leur conjoint…

Ce masque célèbre servait d’oracle populaire parmi les pèlerins venus poser leurs basques dans la ville éternelle… Encore de nos jours, une longue file de touristes se prêtent à ce petit jeu… Je dirais une sorte de détecteur de mensonges avant-gardiste… 

Dans la Rome antique, la fonction première de cette plaque est vraisemblablement une bouche d’égoût à l’effigie d’une divinité fluviale avalant l’eau de pluie…

L’eau… ”principe de toutes choses” [du Sage Thalès de Milet] et le principe de la vérité… ”dédie ta vie à la vérité” [du poète satirique Juvénal]… quasi main dans la main… quelle image transperçant notre réalité!

À Ortigia (Syracuse), les restes du plus ancien temple d’Apollon de Sicile, ne manquent pas au tableau ensoleillé… assurément! Et pour compléter la Trinité, le célèbre temple d’Athéna, base de l’actuel splendide Duomo, Cathédrale della Natività di Maria Santissima ainsi que les traces du temple de Zeus, dieu suprême dans la mythologie grecque…